24 Aout 2015 De la Cygnorance à l'impuissance ?  (R. Zaharia, adhérent Attac C0048773)

Cette contribution est soumise sous forme d'une page web de façon à pouvoir être mise à jour en fonction de commentaires éventuels. (Plutôt que de citer des références, elle fait appel à des liens internet susceptibles d'éclairer /justifier son contenu)  


1) Pour décrire les origines et la nature problématique de la monnaie inique... il faut inventer un néologisme: la cygnorance ! C'est à dire le mélange d'ignorance et de cynisme qui caractérise globalement le comportement, il y a un peu plus de 23 ans, des sherpas de Kohl et Mitterand, ceux qui ont fait naître la BCE sur le modèle de la Bundesbank, tout en... oubliant de prévoir la sortie !

Dans la foule réunie pour la fin du Ramadan, le 16 juillet à Casablanca, la présence d'une souris dans la grand mosquée Hassan 2 a provoqué une bousculade qui a fait plus de 80 blessés...
Cet événement hystérique... n'est rien par rapport à la phobie allemande de l'inflation et de la création monétaire, (vulgairement appelée planche à billets): une peur panique qui a déjà fait et fera encore, Hélas, bien plus de victimes !

2) Il n'est pas dans la nature d'un parti politique de reconnaître qu'il fait fausse route. A fortiori... s'ils sont plusieurs à s'être trompés ! La tragédie n'est pas seulement grecque... elle trouve son origine dans nombre d'idées fausses, (notamment la comparaison abusive entre le budget d'un ménage et celui d'un État, 2 acteurs aux longévités pourtant bien différentes.)
Ces croyances sont soigneusement entretenues par les médias ignorants ou serviles aux mains des "1%". (cf. Alfred Sauvy: Bien informés, les hommes sont des citoyens; mal informés ils deviennent des sujets.)  Elles constituent autant de zones aveugles des débats publics, du moins ceux de "C dans l'air", ou de Léa Salamé !

Qu'il s'agisse de la monnaie, du crédit, ou des réserves fractionnaires, les alternatives au système mis en place par les "1%"... demeurent des questions Dracula, comme dirait Susan: elles craignent la lumière !

Compte tenu de la masse d'intérêts en jeu, (à plus d'un sens du terme...), le maintien de la confusion dans les esprits permet d'asseoir la domination des "1%" sur les "99 %" qui... intrigue tant G. Filoche ! (Sans qu'il aille jusqu'au bout de son étonnement, c à d. la remise en cause, au moins partielle, du suffrage universel,  bien mal utilisé pour désigner des dirigeants... plutôt que pour déterminer des préférences collectives, après un débat public de qualité suffisante, comme celui qui eut lieu, dans notre pays, début 2005.)

Au niveau du personnel politique, (de sa médiocrité persistante, du moins pour ce qui concerne les responsables nationaux), le débat public est inexistant ou perverti, ce qui justifie l'usage du terme cygnorance. (Voir ci dessous quelques constats à l'appui de ce point de vue, en allant des plus évidents aux moins connus).

3) La sévérité du piège dans lequel ils nous ont enfermés ne peut être sous estimée: la violence hallucinante de l'accord imposé à la Grèce le 13 juillet, témoigne du déséquilibre du rapport des forces.

Dans l'état d'extrême faiblesse ou se trouve le mouvement social en général, et Attac en particulier, (à peine 2 fois plus de votants pour l'AG 2015 à Saint Denis, qu'il n'y avait de membres du CL Attac 92... il y a 10 ans), on peut certes débattre de révision des Traités ou de sortie de l'Euro. (Ce sont sans doute des objectifs de long terme, dignes d'intérêt...)

Il me semble que par rapport au dilemme Passer sous la table ou la renverser ?... notre priorité de court ou moyen terme devrait être:
Identifier et exploiter toutes les pistes de contournement ou de désobéissance (ouverte ou larvée).

Il me semble que, pour le moment, la situation politique défavorable (je n'en ai pas connue de pire), nous laisse seulement les options: atténuer et s'adapter. (Comme pour le dérèglement climatique !) Cette stratégie prolongerait le choix de la dérision... dont témoignent plusieurs de nos manifestations publiques: saisie des chaises...  Alternatiba... Théatre militant.
Elle peut aussi tirer parti de notre appartenance au Collectif pour une Transition Citoyenne, qui s'apprête à lancer un mensuel grand public au tirage important. ("Demain en mains")

Dans cet esprit, je rappelle 2 propositions germano compatibles, (ou plutot: droites européennes compatibles...), déjà soumises:

- soutenir l'exigence du RIC: Référendum d'Initiative Citoyenne, (dont j'avais pu obtenir la mention dans le rapport moral 2014. Voir ici le résultat...)

- Étudier et promouvoir la piste d'un Pole Public Financier de taille suffisante, susceptible à terme de réduire de plusieurs dizaines de milliards /an, le poids des intérêts de la dette publique et le déséquilibre correspondant de la balance des paiements. Plus de détails dans ce petit fichier Pdf: http://tinyurl.com/dividette   

R. Zaharia
Clamart

Annexe: Quelques faits trop peu présents dans le débat public:

- La création et la circulation monétaires, (pour l'essentiel, des 0 et des 1 dans les ordis des banques...), sont aussi nécessaires que l'air que nous respirons: comme la situation des Grecs l'a montré début juillet, paralyser le système des paiements, (donc l'activité économique d'un territoire), doit s'analyser comme un acte de guerre (et peut être même... de terrorisme ?)

- En France, après la nationalisation de la Banque de France voulue par le CNR (1945), à l'orée des 30 Glorieuses...  F. Bloch Lainé a pu mettre en place le Circuit du Trésor : une série de mécanismes de financement endogènes, (c. à d. peu coûteux, notamment en devises), des investissements publics.
Son démantèlement a commencé en 1969 et est devenu irréversible en 1992 (Maastricht). Le Circuit du Trésor est documenté dans la thèse de B. Lemoine, soutenue à l'École des Mines le 21 Dec.2011. Son titre est Les valeurs de la dette; cf. copie d'écran ci dessous:

- Confier l'exclusivité de la création monétaire aux banques, c. à d. établir un cordon sanitaire entre pouvoir politique et pouvoir monétaire, est un choix politique (qui ne devrait donc pas être irréversible), effectué en Allemagne au siècle dernier, pour des raisons profondes, propres à ce pays vaincu et occupé. En 1992, il a été étendu à toute la zone Euro, sans analyse suffisante de possibles modes de défaillance de cette généralisation. (Avec liberté totale de circulation des capitaux, y compris hors UE.)

- La principale différence entre la Banque Centrale et les banques de second rang, est que la première, (aussi appelée Institut d'émission, ou Prêteur en dernier ressort...), ne peut faire faillite: il est aussi absurde de prétendre qu'un défaut Grec exigerait un effort des contribuables pour recapitaliser la BCE  que de chercher à... éclairer le Soleil !
Le statut particulier de la BCE a pour effet de nous priver d'un attribut essentiel de la souveraineté: à la différence d'une entreprise ou d'un ménage, un peuple libre peut dans certaines limites se prêter à lui même.

- Dans l'Allemagne de 1939, la masse monétaire était double: elle comportait ~19 milliards de Reichmarks et ~12 milliards d'une monnaie complémentaire nationale peu connue: les Mefo Bills. Il s'agit sans doute d'une question Dracula: qu'une monnaie complémentaire d'envergure nationale ait pu servir des buts abominables, ne doit pas jeter le discrédit sur cet outil de politique économique. 

- Un État ne rembourse jamais sa dette: il la fait rouler, en remboursant les emprunts anciens à l'aide de nouveaux. Si la Grèce avait accès au "taux Refi", (moins de 1% depuis des mois), que la BCE accorde aux banques privées, sa dette publique lui coûterait moins de 4 milliards /an. Cela est vrai aussi pour notre pays: le poids des intérêts pourrait être réduit à ~20 milliards ! (Au lieu de 50+ dont ~2/3, versés à des non résidents, aggravent le déséquilibre de la balance des paiements.)    

- Dans l'Eurozone, la connotation banale Excédent commercial = Vertu... & Déficit = Vice, est sans fondement: les excédents des uns, (par ex. au Nord), ne pourraient exister sans les déficits des autres, (par ex. au Sud). En dépit de cette évidence, l'asymétrie persiste: l'Allemagne fait un excédent de 8% (alors que les traités le limitent à 6%), mais personne ne lui envoie... la Troïka !

- le spectacle de politiques, qui après avoir eux mêmes organisé leur impuissance (et la nôtre), se livrent à des gesticulations ou des pantomimes, est avilissant ! Une tendance se développe chez nos dirigeants, conscients de leur absence totale de prise sur les évènements, (née de l'hégémonie de la finance mondialisée, en particulier au sein de l'UE de Lisbonne): transformer des faits divers en... armes de diversion massive ! (La légion d'honneur attribuée en 48h aux héros du Thalys ?)
Après avoir livré le pouvoir régalien de création monétaire aux banques privées, tout est bon pour détourner notre attention de questions vitales, comme par exemple: La démocratie peut elle exister en l'absence de souveraineté populaire ?

- la déréglementation, le "libre" échange (asymétrique...), la prosternation devant la "liberté du commerce jusqu'à ce que... mort s'ensuive" ?! (par exemple celle de la profession d'éleveur, en France), ne sont pas seulement les totems de la globalisation: ce sont aussi des outils de démolition de notre modèle social et de notre vivre ensemble, (en particulier de services public de qualité accessibles à tous, indépendamment de leurs revenus).

- Ce qu'on appelait au siècle dernier, les "pouvoirs publics", (et qui pouvaient certes se livrer à des abus), se réduit à présent à une troupe de comédiens plus ou moins roués, s'efforçant de donner le change, pour entretenir la docilité et la résignation !
Entre les excès de l'arbitraire administratif au siècle dernier, (toujours bien présents, Hélas !), et ceux de multinationales soumises par la finance mondialisée à l'exigence aberrante d'une rentabilité à 2 chiffres, nous n'avons même plus à choisir ! (Entre... la peste et le choléra ?!)

- Dans une économie sans croissance, le profit à 2 chiffres ne peut provenir que du pillage: "Libre concurrence + Libre circulation des capitaux = Libre prédation !" Qu'il s'agisse (par exemple, et entre autres), de la crise agricole ou de la scandaleuse vente à la découpe de la Grèce... un aveuglement collectif frappe tout un continent !
Ceux qui nous dirigent sont incapables de reconnaître que le pouvoir actionnarial, ou plutôt sa sauvagerie, est incompatible avec la lutte contre la malnutrition, les inégalités sociales, ou le dérèglement climatique. [Lorsqu'on lit la dernière encyclique papale et le texte homologue issu de responsables religieux musulmans, on regretterait presque la séparation des Églises et de l'État !]

Comment ne pas voir que la déréglementation en tous domaines, (alimentation, santé, banques, services postal, éducation), ainsi que les accords de libre échange, (cf. le Partenariat transatlantique, alias "TAFTA"), organisent notre impuissance ? Comme Viviane Forrester l'avait bien vu, (L'Horreur économique...), ils condamnent les plus vulnérables à des conditions d'existence proches de l'esclavage ?!

- L'UE de Lisbonne est une construction monstrueuse qui subordonne le respect des droits humains au respect du droit... des créanciers ! En Grèce, la mortalité infantile a augmenté de 50% depuis 2009: le berceau de la civilisation de ce continent est ramené à la situation d'un PPTE ! (Pays Pauvre Très Endetté.)
- L'UE de Lisbonne dresse les peuples les uns contre les autres, et condamne à l'austérité ceux qui ne font pas d'excédents commerciaux sur le dos des autres !
Si on ne peut ni la réformer (car plusieurs dizaines de droits de veto...), ni la quitter, la désobéissance aux Traités, (ouverte ou larvée), devient une nécessité vitale ! L'indifférence et la passivité face à cette machine infernale sont suicidaires !