Sur le 2ième usage du suffrage universel.  
(6 Mai - Projet de tribune à corriger /compléter après les résultats du 7 - Révisé le 7 mai à 12h & 8 mai à 11h.)
 

Bien sur, on pourra gloser longtemps sur cette élection de toutes les surprises qui a vu l'élimination des 2 partis dont, depuis plus de 3 décennies, les candidats se sont succédé à l'Élysée. (Avec 19 ans au total, de présence du PS, & 17 ans consécutifs du..."RPR/UDR/LR".)

Au delà de l'irruption du "phénomène Macron"... il convient de s'interroger sur ce qui, sauf divine surprise... ne risque pas de changer: il s'agit bien entendu de la crise de la démocratie, dont un indice est, parmi d'autres, la "NON adhésion" toujours plus marquée du corps électoral aux choix politiques du vainqueur.

Il s'agit d'une conséquence structurelle du mode de scrutin institué pour la présidentielle.
Les résultats de 1er tour permettent de calculer un... "indicateur de NON adhésion" ! Il dépend un peu du nombre de candidats au 1er tour: 10 en moyenne, (soit 102 en 10 éditions), mais...16 au 1er tour de 2002 !

En dépit de cette imperfection, la rétrospective de 10 premiers tours, depuis 1965, est instructive:
en 1965, ~63% des électeurs INSCRITS n'ont PAS voté pour de Gaulle; ils furent ~66% pour Pompidou, ~73% pour Giscard, ~79% pour "Miterrand-1", ~73% pour "Miterrand-2", plus de 84% pour Chirac ("1& 2"), autour des 3/4 pour Sarkozy & Hollande, et près de 82% pour Emmanuel Macron.


 

Bien sur... la "non adhésion" record du Chirac de 2002 (86 % !) est due pour une part, à... "l'encombrement" du 1er tour !
En contrepartie, il y eut un énorme effet "Front Républicain": Chirac restera le seul président de la Vième République à avoir obtenu une majorité absolue du corps électoral au 2nd tour ! (C. a d. plus de la moitié des inscrits.)

On peut ainsi mettre en lumière le coté paradoxal, sinon absurde, de nos institutions: avec en moyenne plus de 75% de "non adhésion"... un président qui respecte la totalité de ses engagements a bien peu de chances de satisfaire ne serait-ce... qu'une moitié du pays !
La situation serait bien différente si le corps électoral pouvait se prononcer sur des propositions individuelles, plutôt que sur des candidatures.

Ce 2ième usage du suffrage universel - voter pour des idées plutôt que pour des partis - pourrait mettre à profit le "vote majoritaire" (Comme celui organisé par "La primaire.org"... dont nous devrions découvrir les résultats dans la semaine.)

Même en l'absence de "Préférendum", (ou "Vote de Borda modifié"... le vote majoritaire étant justement un moyen de mesurer nos préférences collectives), il est déjà possible d'identifier des options largement majoritaires:
par exemple, comme 10 des 11 candidats du 1er tour étaient opposés à l'Accord de Libre Échange avec le Canada, on peut présumer un taux élevé de "non adhésion"(~ 82%... !), au choix du président qui vient d'être élu ! (Celui de la ratification du "CETA".)
Le nouveau président a donc le choix de piétiner son engagement de campagne ou... de piétiner la volonté générale ! (cf Art. 6 de la DDHC 1789: "La loi est l'expression de la volonté générale".)

N B Sur ce cas particulier, il est vrai que, se sentant sans doute un peu seul... le candidat Macron a évoqué l'option de nommer une commission ! (Comment ne pas songer à Clemenceau qui disait: "Si vous voulez faire quelque chose, faites le ! Sinon... nommez une commission !) Il est clair que la "sortie"... d'un tel processus peut être prédéterminée... en dosant correctement les "entrées", c. à d. le mandat et la composition de ladite Commission !

La seule solution respectueuse de la souveraineté populaire est, bien sur, de consulter les citoyens !

Le résultat de ce second tour n'est pas vraiment une surprise: il était devenu clair que la candidate du FN ne pourrait dépasser les 11 millions de voix. La surprise est évidemment la répartition des ~37 millions d'électeurs ne votant pas FN, entre vote Macron (~20 750 000) & somme "Abstentions + votes blancs ou nuls". (~16,2 million.)
En dépit de l'intensité, (pour ne pas dire la violence...), des appels au "Front Républicain" de ces 2 dernières semaines, ce total augmente de plus de 40%, de 24,2 à 34% des inscrits: +4,65 millions de voix, une progression entre les 2 tours bien plus importante que celle du FN ! (Un peu moins de 3 millions de voix.) Dans ce record de 34%, le nombre de votes blancs ou nuls est multiplié par plus de 4 ! (De 950 000 à ~4 070 000)
Il est donc tout à fait faux de prétendre que le nouveau président, (élu avec ~66% des suffrages exprimés), a rassemblé "2 Français sur 3": en réalité, comme pour 6 de ses 7 prédécesseurs, c'est moins de la moitié d'entre eux, (~43,6 % des inscrits), qui lui a apporté son soutien.  

Reste à voir si le nouveau Président saura faire la "bonne lecture" du signal envoyé par plus de 16 millions de ses concitoyens, en dépit de son souhait d'obtenir un... large vote d'adhésion !
On peut remarquer que, mise à part la progression spectaculaire des votes blancs, ce signal est ambigu: il ne permet pas de distinguer désintérêt & désapprobation... Certes, certes... Cependant la pratique de ses prédécesseurs, qui n'hésitaient pas à invoquer "avec gravité"...  le prétendu "mandat que les Français m'ont confié"... est au moins aussi discutable ! (Sinon odieuse, lorsqu'elle se traduit par une forfaiture, comme ce fut le cas, début février 2008, pour enterrer le vote hostile au Traité Constitutionnel de mai 2005 !)  

Le  choix entre respect des engagements de campagne, et bonne lecture de la volonté générale qui se dégage de ce 2nd tour, sera sans doute une orientation décisive pour ce quinquennat.
Mais si, par malheur... un nouvel usage abusif du fameux "Mandat que j'ai reçu des Français"... surgissait, inutile de souligner l'importance du "3ième tour", c a d les élections législatives de juin, pour faire prévaloir l'exigence d'émancipation des citoyens et sa traduction immédiatement possible par un recours plus fréquent au 2ième usage du suffrage universel.

[NB. Il s'agit bien entendu, d'une rédaction provisoire pour cette conclusion de "Tribune du 8 Mai"... à étoffer et compléter, si possible par un travail collectif. ]