R. Zaharia (Attac Clamart). 26/12/2012 (Révisé 28/12 & 26/03/2013). A la recherche d'alternatives crédibles...

Gus Massiah:“Ce gouvernement réussit à nous décevoir alors qu’on n’attendait rien de lui ! 

Condorcet et l'Éducation populaire: "En continuant ainsi l'instruction pendant toute la durée de la vie, on empêchera les connaissances acquises dans les écoles de s'effacer trop promptement de la mémoire, on entretiendra dans les esprits une activité utile ; on instruira le peuple des lois nouvelles, des observations d'agriculture, des méthodes économiques qu'il lui importe de ne pas ignorer." (Discours devant la Convention, avril 1792).

En cette fin d'année 2012, si l'on veut tenter d'éclairer la situation économique et sociale de notre pays... puis décrire des alternatives pour le financement de dépenses publiques retrouvant la part du PIB qu'elles avaient au siècle dernier... pour enrayer l'actuelle démolition de notre modèle social, (certes moins avancée que chez plusieurs de nos voisins), il faut au préalable partager quelques constats calamiteux, et partant... peu mis en évidence.

Le plan de ce doc. de travail figure ci dessous. Il est conçu en hypertexte...  c à d. pour être consulté sur ordinateur; on s'est efforcé d'étayer les affirmations qui peuvent paraître étranges ou contestables par des liens à des pages web, des figures, ou de brefs extraits sonores, (susceptibles tout de même de prendre un certain temps, lors du chargement): il s'agit soit de F. Lordon fin 2011, soit de M. Rocard, ce 22 décembre. Ce doc sera complété /mis à jour, notamment en fonction des remarques qu'il suscitera. Son but est de montrer comment retrouver les marges qui existaient dans les années 50, (notamment par élimination et redéploiement d'une partie de la dépense improductive qu'est le... "Sévice de la dette"), et permettre ainsi le financement de dépenses nouvelles utiles au pays, dont le détail n'est pas abordé ici. (On dispose... d'un large choix !)

1) La schizophrénie ordinaire des "1%".

2) La dette publique comme outil d'asservissement.

3) L'interdiction pour la BCE d'exercer son pouvoir de création monétaire au profit du Trésor Public.

4) L'inflation comme épouvantail favori de la finance.

5) La malformation congénitale de la zone Euro.

6) Le pouvoir de la finance en l'absence d'un intérêt commun aux 17 pays de la zone Euro.

7) Le rôle sédatif des médias dominants.

8) Les alternatives pour le financement d'une puissance publique restaurée.

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1) La schizophrénie ordinaire des "1%". Depuis 5 ans et plus... l'entêtement idéologique et l'aveuglement se sont combinés chez les princes qui nous gouvernent, comme chez les 2 ou 3 douzaines d'éditocrates qui occupent exclusivement les médias dominants. Au premier rang des faits qui justifient ce constat, figure la volonté commune aux 2 finalistes de l'élection présidentielle: Réduire le déficit du budget de l'État, tout en renouant avec la croissance !

Certes, un candidat qui proposerait en même temps la lumière et l'obscurité aurait peu de chances d'être élu ! C'est pourtant à peu près ce qui s'est produit, si l'on songe que la croissance objet de tant d'incantations... est mathématiquement impossible sans déficit public ni excédent commercial ! (Voir à ce sujet l'article d'un prof. d'économie dans Marianne du 31/08/12).

Ce sera sans doute un thème de travail pour de futurs historiens ou sociologues que d'expliquer un tel aveuglement collectif... la disparition de toute exigence de cohérence: une perte de lucidité à l'échelle d'un continent !

- L'une des pistes d'explication sera sans doute le cas allemand, celui d'un pays avec peu de déficit et cependant de la croissance, qui nous invite fermement à imiter son modèle... à l'étendre à toute la zone Euro.

Or, en dépit des nombreux produits que l'Allemagne vend dans le reste de la zone Euro, (où elle réalise, grâce à la monnaie unique,  l'essentiel de son excédent commercial), le modèle allemand n'est pas vraiment exportable ! En effet, ces admirables excédents qui font la vertu des pays du Nord... ne peuvent exister qu'à raison des exécrables déficits de... ceux du Sud de l'Europe !

- Une autre piste d'explication sera sans doute l'alliance objective entre Eurobéats et Eurocyniques. A ceux qui observent sans plaisir que l'UE de Lisbonne, et surtout la zone Euro,

* offrent des mécanismes performants pour creuser les inégalités, répandre l'austérité, (en commençant par les pays déficitaires), et en définitive, favoriser l'accumulation du capital dans des groupes colossaux, bien plus mondialisés qu'européens...

* sont devenues, d'une part des acteurs du dépérissement de la démocratie, et d'autre part des zones de libre prédation, (conséquence de choix politiques tels que libre échange + libre circulation des capitaux, y compris avec les pays hors UE), eurobéats et eurocyniques répondent en choeur qu'il faut aller plus loin et que, pour éviter tous ces désastres, il faut Plus d'Europe !

La encore, la lucidité semble faire défaut: si d'aventure, ceux qui n'arrivent pas à s'accorder sur une hausse minime du budget européen actuel, parvenaient à le multiplier par 5 ou 10, (pour lui conférer une taille moins ridicule vis à vis du budget fédéral étatsunien...), cela se traduirait forcément par des transferts massifs ! (Plusieurs dizaines de milliards /an, cf. le cas de la Californie vis à vis de la Floride, par exemple). Des montants totalement inacceptables pour les opinions publiques concernées, allemande en particulier.

Autant dire que le remède fédéraliste, (Encore plus d'Europe), convient surtout à ceux qui aimeraient ne rien changer avant plusieurs décennies ! Ils ont certes de bonnes raisons pour prolonger le statu quo: cet incroyable effet d'aubaine qu'est la colonisation des pays du Sud (de plus en plus gouvernés, de fait, par une Troïka qui impose aux dirigeants locaux, ignorants ou corrompus peu importe ici... la baisse de l'espérance de vie de débiteurs malgré eux... pour préserver les intérêts... de créanciers parfaitement conscients !)

Pour le citoyen libre et éclairé dont rêvait Condorcet, la perception correcte, (préalable à toute maîtrise), du pouvoir de création monétaire suppose une révision délicate de nos idées, (incomplètes et déformées), sur cet objet familier qu'est la monnaie. Savoir, par exemple, d'où vient l'argent qui est sur nos comptes bancaires et, pour une fraction toujours plus faible, (moins de 10%), celui qui se trouve dans nos poches ?

Après les 2 versions de l'Argent-Dette de P.Grignon, (toutes 2 prêtant le flanc à certaines critiques), P. Derudder nous a fait un superbe cadeau de Noël: une série de 7 séquences video intitulée: La monnaie, du pouvoir d'achat au pouvoir d'être.

L'intention est de lutter contre l'ignorance sur la véritable nature de la monnaie, puis de mettre en évidence les motifs qui justifient une réforme fondamentale du système monétaire actuel. Avec d'autres, P. Derudder préconise de mettre fin à l'existence de deux catégories de monnaie, (celle de la banque centrale, et celle des banques commerciales). Le système des réserves fractionnaires repose sur cette dualité.

En effet, depuis le "choc Nixon" (15 août 1971), et la dématérialisation consécutive de la monnaie, (c a d la rupture de tout lien avec un stock de métaux précieux), le système des réserves fractionnaires n'a plus de nécessité. Cependant, il constitue une survivance historique qui peut contribuer à l'instabilité du système financier, (avec l'existence d'un risque systémique portant sur le bien public que constitue la sécurité des encaisses des ménages et des entreprises).

Il s'agit d'une vision émancipatrice qui, seule, peut permettre d'attaquer le problème de la dette publique, en se libérant des dogmes qui ont conduit à la faire naître, puis à la transformer en instrument d'abaissement de la souveraineté populaire !


2) La dette publique comme outil d'asservissement. A ce stade, pour expliquer cette véritable malédiction qu'est l'UE de Lisbonne, (à ne pas confondre avec le rêve européen de Victor Hugo, et de beaucoup d'entre nous), nos futurs historiens et sociologues seront sans doute conduits à compléter des facteurs explicatifs comme entêtement idéologique et aveuglement, par cupidité et désir de domination, que peut susciter l'instrument de colonisation et de pillage au profit des pays créanciers qu'est la dette publique !

L'UE de Lisbonne produit ce résultat paradoxal d'étendre à des pays riches, disposant de ressources et de compétences, l'esclavage de la dette, (issu du consensus de Washington), à l'oeuvre depuis 50 ans dans les PPTE (Pays pauvres très endettés), et décrit par John Perkins dans sa fameuse "Confession d'un assassin économique"!

3) L'interdiction pour la BCE d'exercer son pouvoir de création monétaire au profit du Trésor Public. (Le 26 mars 2013, JP Fitoussi a parlé du défaut congénital de la zone Euro). Il faut souligner ici le rôle de  nouveaux chiens de garde des éditocrates et des économistes dominants, (ce sont souvent les mêmes !) Ils réussissent à occulter la vérité suivante, (que certain d'entre nous appellent Théorème d'Holbecq):

Si une collectivité identifie un besoin, (jugé collectivement souhaitable), si la volonté générale existe de réaliser un nouveau bien public permettant de le satisfaire, si elle dispose des moyens techniques, des matières premières, d'un excès de main d’œuvre et du savoir-faire... alors l’impossibilité souvent alléguée du manque de financement est une mauvaise excuse !

En effet, une vraie richesse résultera de la création monétaire, (aussi appelée planche à billets), éventuellement nécessaire pour réaliser cet investissement public ! Il s'agit de l'idée contre intuitive qu'une nation souveraine dispose, dans certaines limites, du pouvoir de se "prêter à elle même", et que l'instrument pour réaliser cela, c'est la Banque Centrale !  Il faut absolument éviter de comparer la planche à billets, (expression péjorative dont se servent les rentiers et les financiers), à des prêts entre particuliers d'une épargne existante ! (Fruit d'un travail déjà accompli...):

Ainsi, lorsque la création monétaire ex nihilo, (= à partir de rien !), faite par les banques centrales a pour contrepartie une création de richesse non virtuelle (pont, collège, hôpital), elle peut ne pas être remboursée ! (Sinon... comme la Banque de France est un bien national depuis 1945: on se rembourse à nous mêmes !)

Ne pas rembourser un prêt d'épargne préalable, (ou ne pas le rémunérer...), serait une spoliation, tandis que dans le cas considéré, c'est précisément le fait de rémunérer une création ex nihilo par des banques privées, plutôt que par la banque centrale, qui constitue une spoliation ! (ou plutôt, une redevance sur les investissements publics versée aux marchés financiers). A l'échelle des 17 pays de l'eurozone, il s'agit de plus de 3 % du PIB, c. à d. plusieurs centaines de milliards/an: plus de 2 fois le budget de l'UE ! La dette publique devient ainsi un mécanisme de redistribution fonctionnant à l'envers: de tous vers les plus riches, en UE et HORS UE !

De même que les grands donneurs d'ordre utilisent les PME comme bouclier social pour réclamer la baisse du coût du travail, (pour mieux exporter, pour mieux exploiter leurs sous traitants, et... pour mieux occulter la question du coût du capital, bien supérieur, en dividendes, intérêts, ou rachat d'actions !), de même, dans le cas de prêts d'une épargne préalable, le scandale que serait le non remboursement, sert à égarer l'opinion ! (qui s'inquiète, en outre, que l'on puisse envisager un "DPC"... alias Défaut Partiel Ciblé).

Il est essentiel de comprendre que, dans certaines limites, (par exemple autour de 3%, à débattre chaque année au Parlement, en fonction de la situation économique), la création monétaire par la BC au profit du Trésor public n'est ni le laxisme ni le diable ! Que rembourser cet argent, (créé en contrepartie d'un futur travail de la collectivité), ne correspond à aucune exigence matérielle ou morale ! Il s'agit en fait de réguler la masse monétaire: rembourser la BCE, c'est démonétiser... c a d réduire la masse monétaire autant que de besoin ! C'est pareil que d'augmenter les impôts et... de ne pas tout dépenser, en cas de risque inflationniste !

4) L'inflation comme épouvantail favori de la finance.  Bien sur, la Théorie quantitative de la monnaie prévoit que sous certaines hypothèses, une création monétaire excessive peut entraîner l'inflation. Cela peut être le cas lorsque la situation économique comporte les aspects suivants: pas de capacités de production inemployées, pas de chômage, c à d l'existence d'une demande solvable que l'offre d'une économie tournant déjà à plein régime ne peut satisfaire: la hausse des prix semble probable, dans ce cas.

Le poids de l'histoire, (faux assignats anglais sous la Révolution... brouettes de marks dans les années 1920), a gravé dans nos mémoires une peur panique de l'inflation: elle est ainsi devenue un auxiliaire précieux de la finance, (voir cette hallucinante vidéo de la BCE, notamment à 2'32", 4'10", & 5'50"), pour stigmatiser la création monétaire publique et... passer sous silence la gigantesque création monétaire privée des 10 dernières années ! (La planche à billets privatisée, ou son équivalent informatique sous forme de 0 et de 1 dans les ordis des banques... est l'instrument de travail du banquier moderne !)

L'indépendance de la BCE interdit toute possibilité de coordination entre politique monétaire et politique budgétaire: elle prive la collectivité d'un outil de pilotage de la masse monétaire, dans la mesure où précisément, impôt et création monétaire pourraient être utilisés tour à tour par la puissance publique. (Pour jouer, vis à vis de la croissance de la masse monétaire, les rôles respectifs du frein - en cas de solde primaire positif - ou de l'accélérateur, en cas de solde primaire négatif, c. à d. un déficit, susceptible d'être financé directement par le prêteur en dernier ressort qu'est la BC).

Dans l'UE de Lisbonne, ceci est impossible: au coeur de la malédiction européenne, (dont les Irlandais, les Portugais, et surtout les Grecs sont devenus des peuples martyrs, frappés par une véritable crise humanitaire due a l'effondrement de la puissance publique), se trouve le constat de l'incompatibilité franco-allemande: lorsqu'on a le choix entre plusieurs arrangements, si un compromis franco-allemand est nécessaire, alors... le pire est le plus probable !

5) La malformation congénitale de la zone Euro. C'est ainsi que les statuts de la BCE furent négociés entre Kohl et Mitterrand, 20 ans avant le Pacte Merkozy ! (c. à d. MEF + TSCG: l'abandon de leviers essentiels de la politique économique, cédés à des "banquiers irresponsables", car bénéficiant, comme les dirigeants du FMI, de l'immunité  diplomatique), .

Le statut de la BCE est hélas la copie de celui de la Bundesbank d'après 1945, c. à d. les statuts de la banque centrale d'un État à souveraineté limitée: ils furent rédigés pendant l'occupation des Alliés, conscients que le réarmement allemand après 1933, avait été rendu possible par un mécanisme de création monétaire publique, subtilement camouflé par le ministre des finances H. Schacht (Les Mefo bills).

Ainsi, la BCE ne peut accorder aux gouvernements les mêmes prêts à 1% sur 3 ans, (à hauteur de ~1000 milliards), qu'elle a accordé, il y a peine un an, à plusieurs centaines de banques ! (dont certaines sont moins solvables que l'Espagne et l'Italie). Cette interdiction est garantie par la liberté totale de circulation des capitaux, (y compris HORS UE... une curiosité unique qui confère aux agences de notation un rôle de surveillance analogue à celui de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, vis à vis de la Bundesbank).

Les négociateurs Attali et Tietmeyer se doutaient-ils qu'ils allaient ainsi placer les futurs gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, au service des marchés financiers plutôt que des peuples ?
Se doutaient-ils que, 19 ans plus tard, le choix des eurocrates, puis de la Troïka serait de sauver les banques créancières ... c. à d. de faire baisser l'espérance de vie en Grèce, en Irlande, et au Portugal ?

Se doutaient-ils de la paralysie, en cas de crise, d'une monnaie unique non gouvernée ? (car ingouvernable, faute de l'existence d'un peuple européen souverain et solidaire): incapable de neutraliser la spéculation, (en finançant directement le gouvernement grec), la BCE a englouti jusqu'à présent, (dans le rachat sur le marché secondaire de titres de dette dévalués), presque 5% de la masse monétaire de la zone Euro, une somme qui, selon Michel Rocard, (le 22 déc. sur Europe 1), aurait sans doute suffi, en mai 2010, à éteindre l'incendie ! Plus absurde... Tumeur !

6) Le pouvoir de la finance en l'absence d'un intérêt commun aux 17 pays de la zone Euro. Ainsi en voulant conjurer la tentation de la planche à billets, (à laquelle céderaient fatalement des dirigeants en mal de reélection...), l'UE de Lisbonne se retrouve avec... l'alea moral de banques pachydermiques "Too big to fail" ! Quelle que soit la médiocrité de leur gestion, les plus grandes banques jouent un jeu dont la règle d'or est: "Pile je gagne, Face les autres perdent !" Pour préserver le bien public que constitue la sécurité des encaisses des ménages et des entreprise, la collectivité doit les sauver coûte que coûte, réalisant ainsi le rêve du Medef: privatisation des profits et socialisation des pertes !

Au cours des derniers mois, on a appris:

- l'échec des négociations du 22 nov sur le budget de l'UE, (tant pour 2013 que pour les 7 ans à suivre),

- l'annonce que la Banque (centrale) d'Angleterre financera directement le Trésor anglais, en lui remboursant les intérêts perçus sur des titres de la dette publique british acquis au cours des opérations de rachat de ces titres sur le marché secondaire, (soutien des cours pour éviter une hausse mécanique des taux d'intérêts supportés par le contribuable anglais),

- cette annonce fait suite à celle de la FED, (la banque centrale des USA), pour donner un caractère permanent à la 3ieme opération de Quantitative Easing, ("QE-3"), à raison de 40 milliards de $ /mois de création monétaire au profit de l'économie US. Ce soutien représente ~3,2% du PIB des États Unis. Si la BCE adoptait la même politique de souveraineté que la FED, (ou la Bank of England), cela représenterait, pour les 17 pays de l'Eurozone, un financement quasi gratuit de 300 ~milliards /an (dont, au pro rata des PIB, ~60 milliards en France).

- en juin 2013, le gouvernement Cameron nommera  le canadien Mark Carney patron de la Banque d'Angleterre: après Francfort, Rome, Athènes, Madrid... c'est à Londres qu'un autre ancien de Goldman Sachs s'installera dans un centre de décision européen.

Ces infos financières ne sont plus réservées aux spécialistes: compte tenu de la brutalité de l'ajustement infligé aux "PIGS", (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne), par les financiers de la Troïka, notre mauvaise habitude, à savoir: "Faisons confiance aux professionnels de l'économie et de la politique", n'est plus de mise ! Les leçons à tirer de ces infos sont:
 

- d'une part, la porosité entre pouvoir politique et finance privée: elle explique l'échec des projets de re-régulation du secteur bancaire, (comme par exemple la mesure de salut public consistant à séparer banques de dépôt et banques d'affaires),

- d'autre part, les marges de manoeuvre dont peuvent disposer des États ayant une Banque Centrale souveraine, capable de discerner un intérêt national, et de le servir. (Une situation qui ne peut exister dans le cas de la BCE).

3.7) Le rôle sédatif des médias dominants
. Les infos et constats qui précèdent sont peu relayés par les grands médias, ce qui valide, (si besoin était), la critique portée par le film Les nouveaux chiens de garde (voir aussi l'article de F. Lordon d'août 2012).

Outre un rôle catastrophique en matière d'éducation populaire... ces médias s'ingénient à manier discrètement la peur et la culpabilité, (bien propres à susciter dans le public résignation et docilité). Impossible par exemple d'entendre "au 20h" une description factuelle de la situation budgétaire et du gonflement de la dette:

"Jusqu'en 2008, les dépenses mesurées en points de PIB, n'ont pas augmenté; ce sont les recettes qui ont diminué, (de 100 milliards/an selon C. Carrez, député UMP ), à cause du dumping fiscal que libre échange et libre circulation des capitaux ont rendu obligatoire."

Dans le genre: "Il faut faire pénitence car on a trop dépensé..." le télévangéliste qui a surpassé en 2012 la concurrence pourtant nombreuse... est assurément F. Lenglet ! (Il semble cependant qu'un seuil de tolérance ait été franchi, le 20 déc. avec son numéro de duettistes... Pujadas & lui nous présentant "leurs 2 visions" pour 2013, plus manichéennes l'une que l'autre !)

8) Les alternatives pour le financement d'une puissance publique restaurée. Ceux qui chantent les louanges de l'UE de Lisbonne, une union politique dont les règles conduisent à faire baisser l'espérance de vie d'une partie de la population pour protéger la finance, ne méritent que du mépris !

Le spectacle de Grecs contraints de se nourrir dans les poubelles, ou préférant se suicider, tandis que C. Lagarde les menace, (si d'aventure, ils s'avisaient de ne plus voter pour les politiciens débiles ou corrompus... qui les ont conduits dans ce cauchemar), ou la vente par appartements de biens publics, (cf. le port du Pirée racheté par les Chinois), sont des conséquences inacceptables de l'UE de Lisbonne ! 

L'enjeu prioritaire est de transformer le système monétaire et les moyens de financement de l'économie, qu'ils cessent d'opérer une redistribution de revenus fonctionnant à l'envers (de tous vers les plus riches), et de détruire les solidarités indispensables au vivre ensemble. Cela suppose de réduire la place de l'économie financière, triomphe de l'individualisme et de la cupidité. Hélas ! Outre le désastreux compromis de 1991 sur la BCE, un autre aspect de la malédiction européenne, résulte de la fâcheuse synergie entre cette mutilation de l'UE, (BC non souveraine !), et le goût des anglais pour l'industrie financière !
Avec sa liberté totale de circulation des capitaux, (y compris avec les pays hors UE), l'union régie par le Traité de Lisbonne (art.49, 63, 106, 107 et 123)  est devenue le meilleur allié de la finance internationale, (ainsi que des spéculateurs, émerveillés et incrédules... ont fini par s'en rendre compte, début 2010 !) 

Sans une remise en cause radicale du Traité de Lisbonne, (et des 2 textes "en tenaille", MES + TSCG, qui l'ont consolidé en 2012), il ne sera peut être pas possible de réduire la place de l'économie financière, cet enjeu stratégique qui gouverne tous les autres: décroissance des inégalités et des atteintes à l'environnement, émancipation-Code du travail, santé, etc.
La recherche d'alternatives distingue classiquement celles qui sont possibles à court terme, et les autres. Dans la situation d'irréversibilité que les droites européennes se sont arrangées pour créer (cf. le "Pacte Merkozy"), il convient aussi de distinguer les mesures "germano-compatibles", (réalisables sans affrontement avec la droite allemande), et... les autres !  

Les propositions qui suivent sont tributaires de l'omerta organisée en matière de caractéristiques de la dette publique: elles sont susceptibles d'ajustements, lorsque les infos indispensables seront disponibles (c'est l'une des raisons de l'audit citoyen, et/ou de la Commission d'enquête parlementaire).

8.1) Mesures "germano-compatibles", (à court et moyen terme).

- Créer un pole public financier ("PPF"), de taille suffisante, (par exemple, celle de la BNP... Rien à voir avec la future BPI, Banque Publique d'Investissement, qui... ne sera même pas une banque, car elle ne disposera pas de la "licence bancaire" indispensable pour accéder aux prêts à 1% de la BCE !)

- A défaut d'une Banque Centrale susceptible de coopérer à la politique économique du gouvernement, utiliser ce nouveau PPF pour limiter la soumission aux marchés financiers qu'implique le gonflement de la dette publique:

* l'Agence France Trésor emprunte bon an mal an ~180 milliards, (dont ~70 % pour "rouler la dette", c. à d. rembourser les titres anciens venus à maturité, le reste pour payer les intérêts sur le stock de dette de l'État: un peu plus de 1300 milliards, début 2012). Même si le coût actuel des emprunts nouveaux est historiquement bas, (sans doute moins de 2 milliards /an), le reste des charges d'emprunt est très important: autour de 45 milliards /an, (~4%), dont ~2/3 sont versés à des non résidents, (en UE et hors UE), avec une aggravation conséquente du déséquilibre de la balance des paiements.

* Comme n'importe quelle autre banque, le PPF est susceptible, (en vertu du 2ième alinéa de l'art.123), de se refinancer à bon compte auprès de la BCE; il pourra devenir un Spécialiste en Valeur du Trésor, ("SVT"), et remporter une large part des futurs appels d'offres de l'Agence France Trésor. (Dans la mesure où le PPF ne sera pas soumis à la volonté d'actionnaires privés exigeant une rentabilité à 2 chiffres). Dès lors, une fraction du budget de la dette publique, (celle correspondant à la part croissante des emprunts nouveaux, financés par le PPF), cesserait d'alimenter les marchés financiers pour devenir une recette du secteur public.

* Le PPF devrait faire appel au civisme, collecter une part de l'épargne abondante des français. La puissance publique ainsi rétablie, serait en mesure de tirer parti, (elle aussi), du système des réserves fractionnaires, (en attendant sa souhaitable, mais hypothétique... disparition !)

* Le PPF pourrait consacrer une part de ses importants moyens financiers, (épargne + refinancement BCE), au rachat de titres de dettes anciens ayant les taux d'intérêt les plus élevés, ainsi que de titres détenus par des non résidents, (le but étant de renationaliser la dette publique, une proposition que même NKM soutient !) afin de réduire le déséquilibre de notre balance des paiements !

- Rétablir les recettes fiscales, (qui se situent désormais en dessous de 20% du PIB), à un niveau plus proche de leur niveau antérieur (23 % du PIB). Réduire pour cela de 30 à 50%, (autant que de besoin), les nombreuses niches fiscales, (Impôt sur les sociétés & IRPP), pour augmenter de 1,5 % du PIB, (un peu moins de 30 milliards), les moyens financiers de la puissance publique. Accentuer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, de façon à récupérer entre 5 & 10 milliards de plus par anLe principal obstacle sera, bien sur, la liberté totale de circulation des capitaux, (y compris hors UE; cf. art. 63 du T. de Lisbonne).

- Créer des taxes vertueuses... (nationales ou européennes), comme la Taxe sur les Transactions Financières (TTF), ou une Contribution Climat Énergie, (mal nommée Taxe Carbone), 2 dispositions qui ont en commun de:

- favoriser le bon usage et pénaliser le mésusage... (selon l'excellente formule de Paul Ariès),
- d'être de nature fortement redistributive: des plus consommateurs d'énergie et de produits, (dérivés... ou non !), vers tous !

- Exiger le pluralisme des grands médias en matière économique et financière.

Ces mesures pour assainir les finances publiques et dégager des marges pour créer des emplois (pas seulement dans le privé), devraient opérer une réduction du déficit de 60 à 80 milliards /an provenant , soit de la hausse de la contribution des entreprises et des ménages les plus favorisés, (ou les plus tricheurs), soit de la baisse des charges d'intérêts liée à la mise en place d'un Pole Public Financier de taille suffisante. Aucune d'entre elles ne sera possible tant que le prechi precha quotidien des éditocrates, (de JM A(nti)phatie à AG Slama, en passant par C. Barbier, D et E Cohen, B. Guetta, ou F Lenglet), ne pourra être équilibré/neutralisé... par la présence "aux 20h.." de quelques uns des économistes atterrés: d'André Orléan à Christophe Ramaux, en passant par Mireille Bruyère, Benjamin Coriat, Fréderic Lordon, et Fabienne Orsi ! Ne pas oublier non plus Jean Gadrey, Gael Giraud, Alain Grandjean, Patrick Viveret, et tant d'autres dont j'oublie les noms (qu'ils me pardonnent !).

Alors que depuis un quart de siècle, le budget de l'Etat, hors intérêts, est passé de 23,5% à  21%  du PIB, il faut cesser d'écouter ceux qui, occultant les cadeaux fiscaux, répètent chaque soir que... nous avons trop dépensé... (eux, peut etre ?) C'est un geste doublement salutaire, tant pour la protection de notre modèle social, (celui que le Medef voudrait finir de détruire), que sur le plan de l'hygiène mentale !

Ceux qui se préoccupent de l'avenir de leurs enfants devraient boycotter les grands merdias... jusqu'à ce qu'ils cessent de manier la peur et la culpabilité en vue d'obtenir la résignation et la docilité qui nous font accepter sans réagir la destruction des solidarités et la démolition des services publics ! (cf. le pays en faillite de F.Fillon, relayé sans aucun esprit critique).

- Exiger le passage à la 6ième République.
L'ignorance ou la servilité des médias dominants vis à vis "des 1%..." qui sont leurs annonceurs ou leurs propriétaires, se combine avec l'élection du Président de la République au suffrage universel pour rendre possible cette curiosité:

Une condition nécessaire pour être élu est l'abandon de... toute exigence de cohérence et de sincérité ! La tromperie (ou la schizophrénie), puis le reniement... sont hélas obligatoires !  (Après la ratification du TSCG, et l'allégeance au Medef sur la baisse du cout du travail...  que dire d'une déclaration résumée par ce titre récent: "Emploi: Hollande maintient son objectif d'inverser la courbe du chômage à fin 2013"?)

Sauf vague d’indignation populaire se traduisant dans les urnes, (une hypothèse improbable, compte tenu du bipartisme imposé par la Constitution de la Vième, avec inversion du calendrier), les candidats qui ont une chance d’être élus sont ceux qui nous ont conduits dans l’impasse financière et institutionnelle de l'UE actuelle: le triste concours de beauté qui revient tous les 5 ans, (et maintient une illusion de démocratie), leur interdit absolument de reconnaître leur erreur !

Les médias dominants et les instituts de sondage, (des entreprises commerciales, en fait), donnent une place démesurée à des événements futiles qui ne changeront rien à la situation de la majorité des Français, notamment les 8 millions et plus qui sont sous le seuil de pauvreté ! Il est navrant d'observer la futilité du débat sur des sommes dérisoires comme les 200 millions de la… taxe sur les riches ou… les 500 millions que coûterait l’embauche de 60 000 enseignants ! Ce sont des dizaines de milliards/an qui sont prélevés sur le territoire de libre prédation que l’UE de Lisbonne a décrété pour nombre de ses États membres !

Répandre l’austérité et privatiser la partie rentable des services publics ne peut que provoquer la colère populaire ainsi que des troubles de l'ordre républicain. De la sorte, la convocation d'une Constituante est urgente; elle doit être envisagée avec, au minimum, une majorité absolue de membres tirés au sort. (Libres bien entendu d'accepter ou de refuser le mandat de Constituant). Un renouveau démocratique est nécessaire et urgent: l’économie de marché généralisée à presque tous les secteurs de la vie humaine s’oppose à la démocratie. Lorsque la vision économique du monde devient une fin en soi, elle conteste aux processus démocratiques le droit de définir un sens et un projet humain.

L'économie sociale solidaire et écologique (l'ESSE), considère le profit non comme une fin, mais comme un moyen parmi d'autres; elle offre la possibilité d'un équilibre entre Etat, loi du marché, et société civile et démocratique... à condition de sanctuariser le principe d’une économie plurielle. De l'AG d'une mutuelle jusqu'au au sein des parlements nationaux, les décisions politiques doivent pouvoir s'affranchir de  la loi du marché.

8.2) Mesures impliquant un affrontement avec la droite allemande (à court ou moyen terme).

Une logique très particulière fut illustrée, au siècle dernier, dans le dessin animé Les Shadoks. En cas d'échecs répétés, les Shadoks considéraient qu'il fallait poursuivre sans faiblir ! En effet, pensaient-il: "Plus ça merde, plus on a de chances que cela marche le prochain coup !" Le TSCG semble fondé sur cette étrange logique: au lieu de

- mettre en oeuvre des mesures d'austérité qui se traduiront par une récession et la baisse des recettes fiscales,

- poursuivre le rachat sur le marché secondaire de titres de dette publique dévalués, (pour tenter d'en soutenir les cours: ce furent d'abord les mesures non conventionnelles de JC Trichet, puis sous M. Draghi, les OMT: opérations monétaires sur titres),

il serait plus efficace et moins coûteux pour la BCE de faciliter l'équilibre des finances des pays attaqués par les spéculateurs, en leur accordant les mêmes prêts directs à 1% accordés depuis un an, (à hauteur 1000 milliards), à des centaines de banques, (dont certaines sont moins solvables que... l'Espagne ou l'Italie !)

Cela suppose une réforme radicale du Traité de Lisbonne. (Plutôt que de s'acharner à enfoncer un clou tordu, il vaut mieux l'arracher pour en mettre un droit !) Par exemple, rendre possible la proposition qu'avec d'autres prix Nobel, Maurice Allais a soutenue: 

- opérer chaque année une avance de la BC (E ou... F !), au profit du Trésor Public, par création monétaire "ex nihilo", à un niveau compris entre
0 et 4% du PIB, avec ou sans versement d'intérêts (selon la situation économique du pays concerné), et avec ou sans remboursement, (selon le besoin de contracter ou non la masse monétaire). Compte tenu de cette injection par la BC de monnaie centrale (permanente et gratuite...), il conviendrait de limiter le pouvoir de creation monetaire des banques (cette monnaie de banque étant ephemere et payante...), par exemple en augmentant le taux de réserves obligatoires

La renégociation de l'art. 123 du T. de Lisbonne pourrait certes se heurter à quelques uns des 26 droits de veto des autres États membres, mais elle serait en tout cas inenvisageable tant qu'elle n'aurait pas l'appui de l'Allemagne !

En vue de limiter les effets les plus toxiques du TSCG, on peut aussi songer à des mesures de contournement qui pourraient ménager une porte de sortie honorable... à la droite allemande, à ne surtout pas confondre avec le peuple allemand ! (victime, lui aussi, de la déflation compétitive, et des... jobs à 1 Euro !)

Il suffirait, par exemple, d'introduire dans le calcul de cet objet indéterminé dit déficit structurel... un coefficient de pondération, lié à la nature des dépenses publiques: ce coefficient pourrait être proche de zéro pour les dépenses d'investissement consacrées à la transition énergétique... (Transports en commun, isolation des bâtiments), et au contraire... supérieur à 1 pour les dépenses favorisant l'agriculture intensive, la sur-consommation, et la société du gaspillage !

Ce dispositif pourrait être prémuni contre les abus, en limitant par exemple à 5 ou 6 % du PIB, le déficit total non pondéré... Comme il intègre une notion d'utilité sociale, il permettrait d'étendre à tout l'appareil d'État la bonne pratique que vise la Contribution Climat Énergie: favoriser le bon usage et pénaliser le mésusage !